L’e-cigarette efficace pour arrêter de fumer?
Une première étude montre l’intérêt de ces dispositifs au succès fulgurant pour arrêter de fumer. Les experts restent circonspects.
Les experts restent circonspects
Il suffit de se promener dans la rue ces temps-ci pour le constater: les adeptes de la e-cigarette se font chaque jour plus nombreux. S’ils peuvent donner l’impression de suçoter un gros stylo, la réalité est plus complexe: le dispositif produit de la vapeur à partir d’un liquide aromatisé pouvant contenir de la nicotine. A priori moins nocif pour la santé que le tabac, le «vapotage» a été évalué pour la première fois sur ses propriétés d’aide au sevrage tabagique. Et les résultats, quoique préliminaires, sont plutôt encourageants, selon une étude italienne publiée dans la revue PLOS One.
Un participant sur quatre a réduit ou arrêté sa consommation de tabac
L’équipe du Dr Riccardo Polosa, de l’université de Catane, en Sicile, a confié des cigarettes électroniques à 300 volontaires fumant au moins 10 cigarettes par jour. Ces personnes, qui ont déclaré en début d’étude n’avoir pas l’intention d’arrêter de fumer dans un avenir proche, ont été réparties en trois groupes. Chaque groupe recevait des recharges plus ou moins chargées en nicotine: 7,2 mg par flacon pour le premier, 5,4 pour le deuxième, sans nicotine pour le troisième. Aucune consigne particulière n’a été donnée aux participants.
Au bout de trois mois, une part significative des participants avaient complètement arrêté ou réduit de plus de moitié leur consommation de tabac. Le sevrage complet concernait entre 4 % et 17 % des volontaires selon les groupes, et la baisse significative de la consommation (réduction d’au moins 50 %), entre 20 % et 26 %. Au bout d’un an, 8,7 % des participants, tous groupes confondus, déclaraient avoir complètement arrêté de fumer.
L’auteur de l’étude, le Dr Riccardo Polosa, a déclaré au Figaro avoir été lui-même «très surpris» par ces résultats. «Au départ, j’étais un peu sceptique vis-à-vis de l’e-cigarette. Or, 8,7 % de sevrage complet à un an me semble être un résultat remarquable», estime-t-il. En effet, les fumeurs de l’étude ne prévoyaient pas de s’arrêter, n’ont bénéficié d’aucun accompagnement médical ou psychologique et utilisaient des e-cigarettes qui reproduisaient beaucoup plus mal qu’aujourd’hui la sensation d’une vraie cigarette.
Selon lui, la cigarette électronique pourrait donc devenir «une arme stratégique dans la lutte contre le tabac», devant les substituts nicotiniques. Le nombre significatif de sevrages dans le groupe non alimenté en nicotine «montre clairement que pour certains fumeurs, la gestuelle associée à la cigarette est un facteur-clé de la dépendance», analyse-t-il. L’idéal consistant à personnaliser l’association patchs, chewing-gum et e-cigarette en fonction du type d’addiction de chacun.
Des preuves d’efficacité encore insuffisantes
En France, les experts sont plus prudents. «Le taux d’arrêt à un an chez les personnes ayant cessé de fumer brutalement et sans aide se situe habituellement entre 5 % et 10 %. Les résultats italiens entrent donc dans cette moyenne», relativise le Pr Bertrand Dautzenberg, président de l’Office français de prévention du tabagisme.
«En tant que médecins, on ne peut pas recommander la cigarette électronique comme méthode de sevrage, les preuves d’efficacité sont encore trop faibles, confirme le Pr Yves Martinet, qui préside le Comité national contre le tabagisme. Nous sommes dans une période intermédiaire, pas facile. Je reçois des patients en consultation qui disent avoir réduit ou stoppé leur tabagisme grâce à la cigarette électronique, mais il ne faut pas se voiler la face, ce n’est pas la majorité.»
Le jugement n’a pas valeur de condamnation pour autant. «On pressent qu’il y a quelque chose, un effet de l’ordre de l’aide comportementale», nuance Bertrand Dautzenberg. D’autant que les industriels ont fait beaucoup de progrès pour améliorer les e-cigarettes depuis deux ans. Aujourd’hui, la sensation de choc sur la gorge et le passage de la nicotine dans le cerveau et le sang sont beaucoup plus proches de ceux d’une cigarette traditionnelle que lorsque l’étude a été réalisée. Cela pourrait modifier des résultats lors des prochains essais cliniques.
Les deux spécialistes partagent en revanche une inquiétude commune: que la cigarette électronique ne devienne une voie d’entrée dans le tabagisme.
Source : http://sante.lefigaro.fr