Le 9 décembre dernier, un jugement du Tribunal de Commerce de Toulouse statuait pour une concurrence déloyale de la part des magasins de cigarettes électroniques vis à vis des buralistes. Par ce petit article, nous ne tenterons pas de nous substituer (!) aux juges ou aux professionnels du droit mais de réfléchir en simple citoyen impliqué personnellement (et professionnellement) dans la vapote!

Quelques éclaircissements sur la langue française

Alors oui, on va jouer sur les mots mais notre langue, celle de Molière, s’est développée aussi grâce à une certaine rigueur lexicale.

  • Fumer (verbe transitif): brûler du tabac, ou quelques autres substances, en aspirant la fumée par la bouche
  • Fumée (nom féminin): ensemble de produits gazeux qui se dégagent de certains corps en combustion et qui sont rendus plus ou moins opaques par les particules solides ou liquides dont ils sont chargés
  • Combustion (nom féminin): fait pour un corps de se consumer par le feu
  • Feu (nom masculin): manifestation d’une combustion rapide et persistante accompagnée d’émissions de lumière et d’énergie thermique

Bon, on a fait le tour… A priori, vapoter ne nécessite pas de briquet pour créer du feu qui entraînerait la combustion d’un ensemble de produits qui elle-même provoquerait de la fumée qui ferait de nous des FUMEURS!

Sans vouloir jouer sur les mots, je pense que nous pouvons donc avancer que vapoter n’est pas fumer!

 

La réglementation sur le tabac et la concurrence déloyale

Le code de la santé publique régit les produits du tabac par l’article L3511-1 qui dit : « Sont considérés comme produits du tabac les produits destinés à être fumés, prisés, mâchés ou sucés, dès lors qu’ils sont, même partiellement, constitués de tabac, ainsi que les produits destinés à être fumés même s’ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux, au sens du troisième alinéa (2°) de l’article 564 decies du code général des impôts.

 
Est considéré comme ingrédient toute substance ou tout composant autre que les feuilles et autres parties naturelles ou non transformées de la plante du tabac, utilisés dans la fabrication ou la préparation d’un produit du tabac et encore présents dans le produit fini, même sous une forme modifiée, y compris le papier, le filtre, les encres et les colles.

 
Les fabricants et importateurs de produits du tabac doivent soumettre au ministère chargé de la santé une liste de tous les ingrédients et de leurs quantités utilisés dans la fabrication des produits du tabac, par marque et type, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la santé. »

 
Reprenons ce que nous avons vu précédemment, vapoter n’est pas fumer puisqu’il n’y a pas de combustion de quelques produits que ce soient. Alors, cet article de loi ne concerne pas la cigarette électronique à proprement parler. Nous sommes donc devant ce que nous pourrons appeler un vide juridique.

Aucune étude aujourd’hui ne parle de substitut à la cigarette. Certains médecins en parlent, la favorisent (en prônant la libre distribution), l’Europe a fait de même le 8 Octobre dernier. La vente exclusive en pharmacie a été rejetée et, sans trop m’avancer, il n’a pas été décidée d’un monopole pour les buralistes non plus.

 
En ce qui concerne la concurrence déloyale, vous jugerez vous-mêmes si la texte qui en crée le fondement est clair.

Article 1382 du code civil: « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Il est appuyé par différentes jurisprudences: Cassation 12 Juillet 1948 sur l’imitation de signes distinctifs de l’entreprise comme l’enseigne ou le nom; Cassation 9 Juillet 2002 sur la reproduction de produits visant à créer une confusion.

 

Notre avis sur la question

Vous avez bien compris que nous sommes totalement défavorables à l’idée que vapoter c’est fumer. Nous n’allons donc pas insister plus que ça sur ce point!

Il y a pour ma part deux points qui me dérangent:

  1. La décision même de la justice qui, contre l’Union Européenne, les médecins…, assimilent la cigarette électronique a un produit issu du tabac. Seule, dans son coin, voilà une cour de justice qui décide que vapoter c’est fumer et que donc cela devrait être du monopole des buralistes! En s’appuyant qui plus est sur des jurisprudences de concurrence déloyale sans demander au buraliste de prouver son préjudice, juste de le dire; en interdisant purement et simplement un commerçant d’exercer son activité pour laquelle il a investi du temps, de l’argent, créé des emplois et qui est libre de droit!
  2. Les buralistes et leur fédération agissent comme des nantis, comme si l’Etat devait protéger leur fond de commerce. J’aimerai bien qu’ils en parlent à tous les commerçants de proximité obligés de fermer leur étal, qui ne sont aidés par personne et certainement pas par l’Etat ou la justice. Dans quel monde allons-nous si notre principe de libre échange, de libre concurrence ne marche que pour certaines personnes mais pas pour d’autres? A-t-on vu les boutiques de presse porter plainte contre les tablettes et autres applications pour concurrence déloyale? Que dire de la concurrence que se font les commerçants de centres commerciaux qui vendent des produits similaires, les uns à côté des autres? Ils se « battent » mais avec des outils marketing, commerciaux! Parce que la concurrence n’est pas toujours néfaste, bien au contraire, c’est elle qui fait avancer beaucoup de choses.

 

Si ils le font aujourd’hui sur les cigarettes électroniques c’est parce qu’ils n’ont pas cru au marché et ont donc connu une défaite commerciale. C’est ce qui arrive à beaucoup de commerçant, petits et gros (Nokia ne croyait pas non plus au tactile et a donc logiquement perdu sa 1ère place sur le marché mondial ; aujourd’hui c’est une entreprise qui se bat commercialement pour la retrouver).

 
Alors, commerçants buralistes, vous avez suivi votre fédération qui utilisait dans une note confidentielle des termes guerriers et revanchards mais aujourd’hui vous perdez l’amitié et le soutien des gens. Cela en vaut-il le coup lorsqu’on sait que juridiquement parlant il y a de grandes chances que la Cour d’Appel casse le jugement de 1ere instance?

 
Pour finir, je reprendrais une phrase lue dans le Nouvel Observateur écrite par l’avocat spécialiste en droit de la concurrence Jean-Louis Fourgoux :

« L’enjeu est éminemment économique. Les ventes de cigarettes « classiques » ont diminué de manière substantielle depuis l’arrivée de la cigarette électronique. Mais il faut aussi s’intéresser aux consommateurs et à leurs intérêts.

 
Est-ce bien malin de vendre au même endroit des paquets de cigarettes et des cigarettes électroniques, quand les secondes présentent un intérêt pour ne plus consommer les premiers, voire un intérêt pour la santé tout court ? Je ne pense pas que l’argument de la concurrence déloyale soit un bon moyen de régler le problème. On doit pouvoir faire autrement. Quand il y a des changements sociétaux et/ou de consommation, il faut savoir s’adapter.

 
Les courriers de La Poste souffrent de la concurrence des mails, ce n’est pas pour autant que l’envoi de ceux-ci via des boîtes électroniques est considéré comme illégal. »

 
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